L’intelligence artificielle (IA) tiendra-t-elle toutes ses promesses face aux attentes des RH ? Optimiser les processus pour gagner en temps et en efficacité. Diminuer les biais humains et les risques de discrimination. Réaliser une gestion prédictive des compétences. Autant d’usages concrets à expérimenter. Le point avec Erwan Barbier, formateur spécialisé en intelligence artificielle et recrutement.
La fonction ressources humaines est riche !
Gestion des relations sociales, formation, paie, recrutement, marque employeur, prévention des risques psychosociaux, gestion administrative du personnel… Autant de sujets qui occupent les professionnels des RH au quotidien. Sans oublier que, pour la plupart, ils s’assortissent d’obligations juridiques et comptables…
Tout ceci se présente sous de nombreux formats, avec des interlocuteurs multiples et des sources de données variées. Autrement dit, il existe un énorme potentiel d’optimisation. C’est pourquoi, comme d’autres services de l’entreprise, la fonction RH gagne à intégrer l’intelligence artificielle dans son quotidien.
D’ailleurs, l’utilisation de ChatGPT s’est généralisée : analyse de CV, génération de posts LinkedIn pour la marque employeur ou encore préparation de modèles d’offres d’emploi. C’est un marché estimé à 650 millions de dollars en 2024 d’après Precedence Research. Et toujours selon la société canadienne de conseil en stratégie, il pourrait atteindre 1,6 milliard de dollars en 2030. Les innovations permanentes démultiplient en effet les usages potentiels de l’IA dans les RH. Et les éditeurs de logiciels ne sont pas en reste !
Alors, quels sont les usages de l’IA dans les RH ? Ceux d’aujourd’hui, mais aussi ceux de demain…
L’IA pour mieux gérer les risques psychosociaux
Détection du burn-out, de l’anxiété… Différents outils sont en cours de développement.
Ainsi, une recherche réalisée en Suisse sur une sélection d’articles de Reddit a permis d’identifier dans 93 % des cas des burn-out sur la base de messages postés sur des forums. C’est ce que fait savoir un article des Techniques de l’Ingénieur relatif à la détection préventive du burn-out.
DataForEthique, start-up française, est spécialisée dans l’analyse sémantique. La solution, développée d’abord pour le cyberharcèlement, permet aussi d’analyser et de catégoriser les risques psychosociaux sur la base des échanges d’e-mails et sur Teams.
De son côté, Google propose le chatbot WYSA, une application dédiée à la détection de l’anxiété et qui permet la mise en relation avec un professionnel. En mars 2022, un autre chatbot, nommé Emohaa, développé et testé en Chine, a permis la diminution de symptômes anxieux en 4 semaines.
Bien sûr, du côté des collaborateurs concernés, les outils ne peuvent se substituer à l’aide d’un professionnel. Par contre, du côté RH, vous pouvez commencer à vous intéresser aux analyses de tendances : y a-t-il des périodes plus propices aux risques psychosociaux ? Et, le cas échéant, pouvez-vous les anticiper ?
Limiter la discrimination lors du recrutement
D’après Marko Vujasinovic, fondateur de Meteojob, l’utilisation de l’intelligence artificielle est bien accueillie par les candidats. Ils sont en effet 30 % à considérer que l’outil, bien utilisé, peut permettre de réduire les discriminations à l’embauche.
Dans ce domaine, il s’agit des ATS (applicant tracking system), c’est-à-dire les logiciels de suivi des candidatures.
Citons, par exemple, le français Lucca. Il propose un SIRH complet avec des partenaires en marketplace comme Tool4staffing. Cela augmente la capacité de l’ATS qui peut alors identifier des talents rares grâce à un apprentissage automatique.
Autre exemple : les ATS spécialisés (CodeSignal, HireVue) ou, depuis récemment les grands comme Indeed, peuvent facilement analyser la voix des personnes. Ils sont utilisés dans la présélection de candidats à partir d’entretiens vidéo enregistrés. D’après CleverConnect, cela permet de gagner 80 % de temps sur un filtrage de candidature. Et c’est également plus efficace pour déceler la motivation des candidats.
Selon HireVue, l’implémentation de la présélection par interview vidéo chez Nestlé, qui a débuté en 2012, permet à des équipes RH délocalisées de visionner les vidéos. À la clé, plus de flexibilité pour les équipes RH et un traitement plus équitable des candidatures. Avec les nouvelles versions incluant l’analyse sémantique, le taux de satisfaction des équipes RH atteint 92 %.
Enfin, HireVue analyse avec une IA le choix de mots et l’expression du candidat pour générer un score intégré dans son ATS. Les résultats permettent de classer les candidats en catégories qui sont présentées dans un rapport généré par l’application ou même intégré à Power BI, l’outil d’analyse et de représentation de données de Microsoft. Vous pouvez ensuite facilement comparer les résultats des différents candidats. Une application comme CodeSignal permet de réaliser cette intégration pour les profils techniques.
Exemple de score :
Pour le recrutement d’un community manager ayant 2 ans d’expérience, l’ATS peut donner, selon le profil du candidat :
- 1/ À la lecture du CV
- • un score d’expérience générale (7/10)
• des scores spécifiques :
• pour la gestion de contenu (8/10)
• pour la stratégie de croissance (6/10)
- 2/ À l’évaluation de la vidéo
- • un score relatif à la communication (8/10)
Les compétences en communication pourront être revues en entretien.
IA générative : les différents usages de ChatGPT
La création de contenu éditorial pour la communication sur les réseaux sociaux est facile avec un prompt. Par exemple : « Rédige un post de 5 lignes pour recruter un web designer ».
Avec des outils comme Mistral AI, Perplexity ou Gemini (anciennement Bard), vous pouvez l’enrichir. En donnant un exemple de texte que vous rédigez, le contenu sera adapté à votre style.
Plus simplement, l’intégration de Copilot avec Microsoft Office 365 Business permet la génération de contenu à partir des données internes. Et si vous le testiez pour générer du contenu à destination de l’onboarding ?
Gestion prédictive des compétences
Selon une étude menée par Gallup, la motivation des employés permet un gain de productivité de 31 % et fait bondir le chiffre d’affaires de 37 %. Mais, toujours d’après Gallup, 18 % des employés sont démotivés au travail. Un accompagnement personnalisé du développement de la carrière et des compétences fait alors partie des solutions. Les services RH peuvent s’appuyer sur différents outils de gestion de compétences ou LMS (learning management systems).
Grâce aux LMS intégrant des modules IA comme Open edX ou Moodle, vous pouvez rapidement construire des parcours sur mesure pour vos équipes en identifiant plus précisément leurs besoins. D’autres encore, comme Zavvy, EdApp ou Docebo, intègrent aussi des fonctionnalités IA pour la définition de parcours de formation personnalisés, la notation automatique et la génération de quiz.
Selon Zavvy, 83 % des organismes utilisent un LMS et 75 % depuis plus de 2 ans. Les outils IA sont donc déjà présents dans de nombreuses entreprises. Aujourd’hui, tout l’enjeu réside dans la capacité des entreprises à s’approprier l’aide fournie par l’IA.
De son côté, la start-up française SkillsBoard considère que 90 % de l’apprentissage est informel. Elle propose donc un outil de gestion des compétences qui génère une matrice de compétences globale pour l’entreprise, ainsi qu’un passeport de formation par employé. À l’inverse, une analyse par IA comme Eightfold.ai permet de convertir en compétences les formations renseignées dans le passeport.
Gestion du télétravail : l’IA à la rescousse
D’après une étude de l’Université de Stanford, 55 % des employés aux États-Unis télétravaillent. Or, il se dit, selon plusieurs autres études, que le coût annuel d’un poste de travail tourne autour de 11 000 €. Rien d’étonnant donc à ce qu’émergent différentes solutions de gestion des espaces de travail, incluant de l’IA.
L’entreprise Inspace propose initialement un outil de gestion des espaces de travail. Cet outil permet de prédire le nombre d’employés présents sur un site sur une période donnée.
Pour améliorer la prédictivité du modèle, l’entreprise IOT Factory produit, elle, un capteur de présence sur la base de la température. Son outil LoRaWAN permet ainsi de détecter les bureaux utilisés ou libres.
L’entreprise française Ubigreen propose quant à elle un outil de gestion des espaces de travail et de réservation de place en flex office. Cela inclut des capteurs de température placés sous les bureaux.
De son côté, l’application RobinPowered donne aux équipes la souplesse de décider, entre elles, quand elles souhaitent travailler au bureau. Et surtout à côté de qui.
En alliant les 2 technologies (IA + capteurs), vous pouvez intégrer un modèle prédictif fiable de votre usage des espaces de travail. Cela permet :
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non seulement de réduire les coûts
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mais également de faciliter la réservation d’espaces de travail et donc de motiver les équipes à venir sur site
Pour conclure, l’intelligence artificielle est partout. Et chacun est tout autant obligé de l’utiliser qu’incité à s’en méfier. Expliquer les usages de l’intelligence artificielle dans l’entreprise permet de maintenir et de renforcer la confiance des équipes. Élément rassurant : l’IA est un outil d’aide à la décision, comme un tableau de bord. Vous avez désormais toutes les cartes en main pour que le métier des ressources humaines reste… humain !
Formations :
L’intelligence artificielle (IA) au service des ressources humaines – https://www.orsys.com/formation/irh
RH : accompagner la digitalisation de l’entreprise – https://www.orsys.com/formation/ddd
Responsable RH, intégrer les nouveaux enjeux de sa fonction – https://www.orsys.com/formation/drj
Domaine :
Ressources humaines – https://www.orsys.com/formations/formations-rh-ressources-humaines.html